Pour ceux qui n’auraient pas pu entendre ma carte blanche ce matin… Vous pouvez l’écouter en suivant le lien suivant: J’ai écrit sur la carte: Blanche.
Une belle expérience que cette carte blanche. J’aime.
Et si vous voulez suivre des yeux en écoutant, voir plus bas… Mais alors, vous saurez qu’à quelques occasions, je me suis trompé. Comme je l’expliquais en fin d’entrevue, le texte ne me coule pas encore tout à fait en bouche… Il mériterait d’être modifié encore.
J’ai d’abord écrit sur la carte : Blanche.
Je ne savais trop ce que j’avais envie de lui dire.
Ce matin, je suis allé en ville. Traversé le pont, remonté la Racine. Jusqu’à la tabagie. Et là, j’ai choisi une carte postale. Sur le comptoir, il en traînait des dizaines, toutes exposées sur un présentoir de métal.
Je l’ai fait tourner à plusieurs reprises. Il grinçait à chaque nouvelle impulsion. L’œil du caissier me visait ,chaque fois.
J’ai pris mon temps pour choisir. Pas de petit chien. Pas d’enfant dessinant en couleur dans un univers en noir et blanc. Pas de singe se grattant le popotin. Pas de cheval, ni de nature morte, ni de feuille d’érable. Il fallait quelque chose de sincère.
Puis j’ai trouvé. C’est le Lac. Pas n’importe quel. Son Lac. Quand je regarde le rectangle de paysage que je pince entre mes doigts, j’ai cette drôle d’impression. D’être au chalet. Au chalet de ma grand-mère. Au chalet de Blanche.
Alors voilà. Je suis de retour à la maison, dans mes odeurs, mes habitudes, mes préoccupations. J’ai cette carte postale sur laquelle j’ai d’abord écrit : Blanche. Puis, j’ai déposé mon stylo.
Quand on est soi-même en voyage, on a toujours trop de choses à écrire. On veut parler du soleil, des enfants qui s’amusent, du sable entre les orteils, du sel sur la peau, des sourires des Cubains, ou des Dominicains, ou des Mexicains… On veut dire aussi la chaleur et la vie, les livres qu’on lit, la couleur des fleurs, l’harmonie tranchante des feuilles de palmiers qui jouent du fleuret près de la chambre d’’hôtel… On veut tasser en quelques lignes tout ce qui ne pourra jamais entrer dans un carré blanc, un si petit carré blanc.
Quand on est soi-même en voyage, on a toujours trop de choses à écrire. Alors on n’écrit pas. Ou bien on essaie, mais on oublie trop. Les plus grandes émotions ne se contenteront jamais d’une carte blanche.
Quand on est soi-même en voyage, on a toujours trop de choses à écrire. Mais cette fois, ce n’est pas moi qui suis parti. C’est elle. C’est Blanche.
Je fais ses bagages, à rebours. Je plis, je range, j’entasse, je jette. Je plis tous ces vêtements. Range ces souvenirs, ces photos dans une boîte, ces lettres dans une autre. Entasse les objets étranges. Ceux qui ne me disent rien. Jette les vieux papiers et les breloques sans importance.
J’écrirai que je l’ai aimée toute ma vie. Que j’aurais dû aller la voir plus souvent, que je n’avais aucune excuse de ne pas l’avoir fait. Que ses conseils, ses colères, même, me manqueront. Comme quand, enfant, je jouais dans le décor de sa chambre. Faisais des plis dans la douillette. Déplaçais les bibelots devenus des fusées. Ou des tours fragiles, des tours de Pise, des tours Eiffel. Ou alors des personnages. Petits animaux et bonshommes souriants.
Puis, lorsqu’elle sera écrite, j’épinglerai la carte sur le mur du salon, près de la fenêtre. Là où je pourrai la voir souvent, dès que je jetterai un regard dans la cour, sur les jeux des enfants, sur les feuilles tombées, sur la piscine désertée, sur la neige hésitant à tomber.
J’épinglerai la carte sur le mur du salon.
Là où elle se trouve, Blanche n’a plus d’adresse.