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Les mains de Jonathan


Je serais avec vous.

Je veux dire, si la vie était comme ça, si elle permettait de seulement dire « oh oui », si elle se pliait devant ce qui nous vibre dans le corps, je serais avec vous. Encore dans cette salle immense, à me laisser bercer, à vous regarder prendre mon texte à bras-le-corps, le dompter. À me laisser toucher, encore et encore.

Je voudrais voir. Cette mère immense, cette mère intense, cette mère plus grande que tout, qui embrasse Jonathan dans ce qu’il a de plus fou.
Je voudrais être pris encore entre les mains de ce garçon capable de faire le monde ailleurs, autrement. Capable de perdre le monde, d’ailleurs, vraiment.
Je voudrais voir à nouveau cette fille qui devient grande dans l’ombre des mains de Jonathan. Cette fille qui devient plus, jusqu’à se perdre.
Et je voudrais haïr encore cet homme qui haït, qui cache ce qu’il est derrière toute cette haine.

Vous m’avez bouleversé toute la semaine dernière. Cet univers qui prend tous ses échos dans vos voix, qui se porte sur vos corps, qui devient sous vos mains, je vous le dois. Vous avez fait du beau à partir de pas grand chose au fond.

Si vous saviez. Comme je serais avec vous, encore.

Chère Nathaly, merci d’être une mère si grande.
Cher François Édouard, merci d’être si touchant.
Chère Sara, d’incarner si bien la candeur – et d’avoir ce petit quelque chose…
Cher Benoît, de pouvoir être si haïssable!

Merci et merde pour les représentations à venir.

Ah, et merci à tous les autres.
Cher Pierre-Antoine, pour ta lecture si juste et pertinente, porteuse de sens.
Chère Josée, pour cet univers incomparable que tu as su créer.
Chère Geneviève, pour ces costumes tout en finesse.
Cher Guillaume, pour cette musique qui me suit partout.
Je dois bien oublier du monde. M’enfin, merci.

 

 


L’accident qui finit pas


C’était un accident. J’allais porter une pile de livres à la Grande Bibliothèque, empruntés quelques semaines plus tôt pour compléter mes recherches pour un article. Je ne devais rien rapporter à la maison, je voulais mes mains vides au retour. Mais j’ai eu du temps à tuer.

J’ai fouillé les rayons. T’sais, une recherche du genre «j’ai de la chance». Comme ça, j’ai trouvé les rayons du théâtre. Et alors, j’en ai eu l’urgence. Fallait me voir dévaliser les rayons.

Lire du théâtre. J’aime tellement ça, lire le théâtre. Voir tous les possibles du texte plutôt que de m’en faire imposer une vision. Comprendre les mécanismes. Faire sonner à répétition le rythme de certaines répliques. Hurler. Chuchoter. Chanter. Étouffer. Recommencer.

Cette semaine, j’ai lu huit pièces de théâtre. J’en ai encore une huitaine à dévorer. Dans le genre varié, t’sais. De Sarah Kane à Larry Tremblay, passant par Jennifer Tremblay, Howard Barker, Daniel Danis (évidemment!) et Jean-Marc Dalpé. Quelque chose comme une orgie théâtrale, de quoi m’en mettre plein les tripes.

Je ne sais pas ce que je cherchais.
Pourquoi je faisais ça.
Mais je sais ce que j’ai compris.

Cette passion pour le théâtre. Tous ces possibles qu’il offre et qu’aucun autre art ne permet d’aussi belle façon. Cette jouissive concomitance potentielle des temps, des lieux. Cette intrication des paroles disjointes dans les mêmes corps, ou alors cette diffraction de la même parole en plusieurs corps éparpillés. Ça n’a rien à voir avec le roman choral. Rien à voir avec les séquences successives d’un film qui voudrait nous faire voyager en divers lieux et divers temps. Au théâtre, c’est autre chose.

C’est : tous les temps concentrés, hameçonnés à la même parole vive.
C’est tous les lieux qui bulbent dans le même espace à  mesure que le texte les «réalisent».
C’est tout ça qui n’est jamais complètement là, mais qui non plus jamais ne disparaît totalement.

Je sais : que je ne pourrais jamais « ne plus écrire de théâtre ». Or, je pourrais sans problème ne plus jamais publier de recueils de poésie. Parce que cette poésie, je la trouve n’importe où, je la crache à tous vents, même ceux de face. Ça me sort par les pores, littéralement, et ça sent ce que ça sent. J’en aurai toujours dans mes romans, j’en trouve plantée dans n’importe quel billet publié sur ce blogue. Crisse, je peux écrire une strophe sur un napperon ou dans le brun d’une boîte de Corn Flakes éventrée, je n’en serai pas moins satisfait. Quand j’ai la luck de pouvoir profiter d’une chambre d’hôtel, j’en écris même aux femmes de ménage. La poésie, ça a pas besoin de recueil. Ça a juste besoin d’être écrit.

Mais le théâtre n’est nulle part en-dehors du théâtre. Il n’est que là où il peut exister, dans la tension du souffle et des attentes. Pas nécessairement sur une scène. Mais là où ses conditions d’existence sont réunies, là où les conventions lui donnent vie.

C’est ça. Le théâtre, c’est l’accident qui finit pas. C’est la vie qui poigne quelque part sur la planète pis qui se répand, pis qui est pas tuable. Ostie qu’on est pas tuables, pareil.
C’est l’accident qui finit pas. C’est le texte qui ouvre le ventre. Pas celui qui nous met le nez dedans.
J’ai le goût d’ouvrer des ventres. Une orgie d’ouvrages de ventres. Que ça crève, que ça explose, que ça vive.

C’est pas un secret que je m’intéresse au théâtre depuis longtemps. J’ai déjà fait quelques projets d’écriture, discrets mais très formateurs. Sauf que j’ai eu peur longtemps que mes textes soient tout croches. Qu’ils ne soient pas suffisants. Que ce ne soit pas à ma place. Peur d’être déçu de l’arrivage du texte, aussi, mais bon, j’imagine que celle-là va rester.

Mais crisse, quand je mets le feu pis que ça flambe, je viens tellement à l’envers, tellement sans voix, tellement tu que j’écrase. Je peux pas sortir de ce monde-là. Faut que je plonge plus en amont, quitte à me retrouver dans le bas trop vite, là où y’a moins de remous. Quitte à me fracasser le crâne sur une roche pendant la descente. Ce serait une belle fin, pareil.

Faut que je plonge plus en amont.

J’en ai eu l’intuition, t’sais, avec Les mains de Jonathan. C’est un texte que j’ai écrit, qui est co-produit par La Rubrique et le Trillium et qui sera présenté en 2014. J’ai pu l’entendre lu par les comédiens, quand nous l’avons travaillé, argumenté, décortiqué dans le cadre d’un laboratoire de production, quelque part à Ottawa, en février dernier. J’ai suivi avec intérêt la vision qu’en avait eue le metteur en scène, Pierre-Antoine Lafon Simard. J’ai reçu tout ça comme une décharge. Mais alors, c’était encore juste ça : de l’intuition. Un « crisse-que-j’aime-ça » pas plus réfléchi, t’sais. Ça venait du creux, dans le milieu du ventre, à trois pouces au nord du nombril. Du creux fragile, là où la peau touche pas encore les côtes, là où elle est le dernier rempart avant de poigner dans les tripes.

Il m’a fallu un mois pour m’en remettre. Et pour comprendre un peu. Ce « crisse-que-j’aime-ça », c’est pas de l’ordre du thrill, ni du caprice, ni de l’ego. C’est technique. C’est intellectuel. C’est créatif.

C’est la traversée du texte. C’est son avenue. C’est l’intersection. C’est là où l’écrit prend une envergure qui dépasse le réel, quand il poigne une épaisseur. C’est quand le corps amène le texte ailleurs, et que dans le même temps le texte mène le corps ailleurs. Ça va tellement loin. Ça peut aller tellement loin.

C’est ça. C’est ce possible là. C’est la seule vraie texture. L’accident qui finit pas.

Watch out. Je m’amuse.

Je m’en viens.


Écrire à la tronçonneuse


Lui forcer la main.

Lui forcer la main, juste un peu, juste assez, parce que je sens, parce que je sais que ce sera bon.

Elle fait la moue, fait celle qui dort, fait celle qui n’entend pas, celle qui n’entendra rien, peu importe le ton de la voix, peu importe la conviction, peu importe les fleurs plein la gueule. Elle tourne le dos, son dos blanc, canari des mers qui affleure.

Oui, il arrive qu’elle ne veuille pas, ne veuille rien savoir. Et il m’arrive de trouver qu’elle a bien raison. Au fond, ce n’est pas parce qu’on a le temps, ce n’est pas parce qu’on est là tous les deux, face à face et en silence, qu’il faut nécessairement le faire.

Son argument percute.

être libre, c’est aussi pouvoir ne rien faire

Mais il y a ces jours où je sens, ou je sais qu’il faut pousser.
Forcer.

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secouer le mélange avant de le mettre dans le réservoir / démarrer la tronçonneuse / si le réservoir n’est pas vide à la fin d’une coupe, surtout ne pas le vider, le laisser pour éviter le désamorçage / au début de la coupe, vider le réservoir et le remplir immédiatement avec le mélange agité

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Hier matin, le motif était parfait. Une invitation pour le bois.

«mets tes bottes, mon homme
cale ta tuque sur tes oreilles
enfile ta vieille froque carreautée, habille-toi chaud
viens prendre le bois, mon fils est là: on va bûcher»

Sentir l’irrémédiable de ces trois mots:

on
va
bûcher

J’avais dit oui au vieux Pierre. Je devais les mettre, mes bottes. Tout le reste aussi. Et à 10h, prendre le bois. Avec lui, le vieux Pierre, et avec le fils du vieux Pierre. Mais juste avant de partir, je me suis penché sur elle. Qui se laissait encore désirer. Ne voulait pas que je la touche. Frissonnait à la moindre approche. J’avais toutes les raisons du monde de la planter là. De foutre le camp. De prendre le bois. De faire le déserteur.

Mais hier matin, je lui ai forcé la main.

Seul avec elle dans mon salon, j’ai secoué le mélange. Rempli le réservoir. Démarré.

J’ai écrit. De la grosse ouvrage.

  1. Tout un plan pour une série jeunesse en gestation depuis plus d’un an. Le prologue, qui circonscrit cet univers déjà bien ficelé. Et des bribes de plusieurs chapitres. Il suffit maintenant de savoir redémarrer sans étouffer le moteur.
    Il suffit toujours de savoir redémarrer sans étouffer le moteur.
  2. Du théâtre. Un projet qui parle de liberté, justement. De bois aussi. D’air qu’on respire. D’air qu’on se donne. Comme quoi tout ça est pris dans le même morceau. Tout ça est une même chair.

Aujourd’hui, je saigne de n’avoir pas bûché avec le vieux Pierre, ça se répand, flaque mate, calme dégât. L’abandon qui fait le plus mal, c’est celui dont on est responsable. Mais il y aura d’autres occasions.
Le bois continue de pousser.

Moi aussi.


Avant le Jack Side Jazz Band


Je pense: depuis le début, nous savons qu’il s’agit d’un laboratoire théâtral.
Je pense plus loin: dans un laboratoire, tout peut arriver de découvertes surprenantes, d’obstacles imprévus, de fumeuses explosions, de succès inespérés.

Voilà: c’est là que nous sommes rendus. Un imprévu nous oblige à reporter la présentation publique de Pendant le Jack Side Jazz Band, ce laboratoire théâtral autour de mon roman Nos échoueries, jusqu’au printemps prochain.

À moins d’un pépin important, tous les collaborateurs actuels se sont montrés intéressés à poursuivre l’aventure malgré le délai. C’est pour moi une équipe de rêve, vraiment. Luc Perron au conte (!), Pascal Beaulieu à l’environnement sonore, la délicieuse chanteuse et artiste de la performance Sara Létourneau ainsi que le slameur et poète Étienne Provencher-Rousseau au jeu… et bien sûr, ma chère Josée Laporte, la belle, la grande, la convaincante, la passionnée, Josée Laporte, à la mise en espace. C’est très flatteur pour l’ego d’un auteur de voir tout ce beau monde travailler autour de ses mots. Différer la présentation du projet au printemps, ça fait que… eh bien… J’aurai l’ego flatté plus longtemps!

Ce n’est donc que partie remise… Pendant ce temps, je continuerai de voir comment peut évoluer le texte. J’ai leur corps plein la tête quand je relis tout ça. Et c’est beau, et ça goûte bon, et je m’emballe.

J’aurai hâte au printemps. J’en profite d’ici là.


Un vendredi au Salon


Café à l’eau dans une chambre d’hôtel. Encore les cheveux mouillés. J’ai plutôt envie d’écouter Galaxie que le ronronnement brut du séchoir. Et certainement pas le goût de repasser une chemise, alors j’en choisis une autre.

Hier.

Hier, j’ai passé une partie de la journée sur la route avec un chic type qui vous remonterait la cote de tous les babyboomeurs en un rien de temps. M’a conté des histoires tout du long de la route. C’est un habitué. Des auteurs, du chemin à faire, de la vie. Dans sa belle voiture qui sentait le propre, on a tout dit ce que deux inconnus peuvent se raconter avant de devenir officiellement attachés par un lien d’amitié. Plus que ça, je pense qu’on aurait été obligés de se revoir.

Se revoir.

J’ai revu plein de beaux monde hier soir lors de l’ouverture officielle du Salon. Chouette de revoir leur sourire, leurs yeux allumés, leur air de rien, des fois, parce que j’ai beau être parti, ça ne fait tellement pas longtemps, c’est comme si rien n’avait changé. Parce qu’on ne se voyait pas plus souvent, en fait. Et c’était correct.

Correct.

C’est comme ça que j’ai senti mon petit discours: correct. J’étais comme trop allumé par ce qui était en train de se passer pour faire plus, de toute façon. Marc-André Perrier a fait une chouette lecture de mon recueil, vraiment. Ça m’a émotionné, comme disent parfois les vieux. Du coin de l’oeil, je sentais que Sylvie Marcoux et Sandra Brassard (organisatrices du Salon du livre du Saguenay – Lac-Saint-Jean) me scrutaient. Ça devait me paraître dans la face.

Évidemment, je savais plus ou me garocher. Quand ça arrive, je m’excite, me mets invariablement un pied dans la bouche. Mais je crois que ça allait. Correct.

Laurance, par contre. La jolie et talentueuse Laurance Ouellet Tremblay, celle qui a reçu le prix Découverte pour le livre Était une bête (La Peuplade). Elle, elle a fait un discours. Mémorable. Le chemin m’a l’air dégagé devant cette jeune femme. Elle prend son élan. Ira loin.

Loin.

N’est plus si loin le jour où on présentera le laboratoire théâtral qui tire son jus de mon roman, Nos échoueries. T’sais, le projet qui me fait brailler à tout coup, parce que ça fait mal dans le creux de la tête de voir Marie et la Farouche avoir un corps. C’était de toute beauté au moment d’écrire ça que de me voir morver au-dessus de mon clavier, je vous jure, la tête pleine du visage de Sara qui l’incarne. Je ne serai pas beau à voir lors de la première, je pense, si je n’ai pas les mains et l’esprit occupés.

Ce midi, avec les comédiens, Étienne Provencher-Rousseau et Sara Létourneau, et la metteure en scène espace, Josée Laporte, nous présenterons le projet au public. J’ai hâte.

Puis, ce vendredi… Ce sera séances de signature sur séance de signature, avec une finale à l’auberge, à La Baie, où on aura un souper littéraire. Je dois y faire la lecture d’extraits de Vers-hurlements et barreaux de lit entre deux services.

J’aime les Salons.

J’aime.


Jouer avec mon corps


J’ai eu une certaine pudeur quand est venu le temps de parler de notre première rencontre. Je me trouvais peut-être trop enthousiaste. Un peu naïf, peut-être. C’était trop beau pour être vrai.

Mais il fallait me voir faire le pître dans le stationnement du Centre culturel du mont Jacob, ce soir, suivant le plus près de la lettre possible ses indications ésotérico-technique pour défaire les noeuds de mon corps. Faire des bah par les tripes, des mah avec tout le corps, soupirer par tous les pores, me secouer, me plier, trouver ce tube qui me traverse pour résonner. Bref, elle m’a fait faire toutes sortes d’exercices normalement réservés aux comédiens. Ceux qu’ils font dans l’antre de la loge, à l’abri des regards, avant chaque représentation. Pour s’ouvrir la voix.

Puis, assis sur le cutter, le paysage à nos pieds, j’ai fini l’exercice en essayant (le mot est faible) de lire à haute voix un texte choisi pour l’occasion. Un genre de défi. De défi pas facile pantoute.

J’écris par les oreilles. Qu’il a écrit. C’est Valère Novarina, le type sur la photo juste là, dans sa Lettre aux acteurs. Écrire par les oreilles. N’est-ce pas là un peu ce que je me tue à essayer d’expliquer aux journalistes quand ils me parlent de mes livres? Quand je dis qu’il faut que ça me traverse le corps… Qu’il faut que je l’entende… Pour savoir si c’est ainsi que je dois l’écrire?

Faque, accroché quelque part dans le ciel du mont Jacob, après avoir essayé de respirer du ventre et de projeter du coccyx, fallait que ce texte là me sorte de tout le corps, un texte que je n’avais jamais lu, jamais compris, jamais imaginé même l’existence. Ça a donné ce que ça devait donner: des fourchures de langue, des envolées incontrôlées, des hésitations et des trébuchements, du beuglage de trop, du souffle perdu au bout du bout du fond du trou du corps, la peur de me noyer dans ma propre salive, quelques moments quasi extatiques (c’est un ex-cel-lent texte, je crois bien qu’il est en train de changer ma vie, c’est pas une farce), et surtout, beaucoup de plaisir. En tout cas, j’ai eu du plaisir. Je pense que c’était partagé.

Pourquoi est-ce que Josée m’a fait faire tout ça? Parce qu’elle ne se contente pas de vouloir travailler avec mon texte. Elle veut que j’y joue. Que je l’incarne.

C’est pour ça que je suis resté silencieux depuis que j’ai annoncé le projet, malgré notre première rencontre. Parce que je n’étais pas certain de vouloir aller jusque là. Parce que je ne suis pas comédien, d’abord, et que je me doute bien que ça paraîtra. Parce que je ne voulais pas qu’on croit que je suis un de ces auteurs qui ne veulent pas laisser aller leur travail: j’ai écrit le roman, j’en fais l’adaptation, et voilà que je voudrais le jouer moi-même? Allons donc, Jean-François. Décroche.

Mais voilà, je n’y étais pas. Il s’agit d’un laboratoire théâtral. Et j’ai beaucoup à apprendre de cet expérimentation: le souffle, le rythme, « la parle » (comme l’écrit Novarina). Le rapport entre le texte et le corps, cette mise en chair qui me fascine… Tout ça pourra nourrir ce que j’écris.

Alors j’embarque. J’ai confiance en Josée. Il faut dire qu’elle sait être convaincante…

Je continue d’écrire de mon bord quelque chose qui commence à prendre forme – mais qui méritera qu’on le brasse un peu. Je pense que ça se développe assez bien. Ce sera beaucoup de travail – le théâtre demande une présence beaucoup plus grande, plus intense, que l’écriture solitaire, qui ne se formalise pas de quelques absences imprévues et momentanées.

Prochaine étape (outre l’écriture): une rencontre de production avec l’essentiel des collaborateurs au projet, dans le lieu qui pourrait bien devenir tout à la fois celui de la création et de la diffusion. J’ai hâte de voir tout le monde. Je pense que je pourrai partager un bout de texte, à ce moment.

On verra.

J’y reviendrai.


Nos échoueries – The Drama Project


Paraîtrait que je pourrais en parler, maintenant. Officiellement, je veux dire. Alors parlons-en.

Le livre est là, sur l’accoudoir du divan. C’est un livre que je connais tellement, de fond en combles, que j’ai lu et relu à plusieurs reprises. C’est normal, j’en conviens: je l’ai écrit.

Je l’ai lu et relu, mais en fait, pas depuis sa publication. Une fois seulement depuis qu’il est devenu un livre. Pour sentir cette émotion étrange d’avoir entre les mains un objet qu’on a soi-même fait, mais qui est devenu bien plus. Puis je l’ai mis avec les autres, non sans une certaine fierté, dans ma bibliothèque. Les autres: je veux dire les miens, bien sûr, mais ceux aussi des Félix, Gilles, Gaston et autres auteurs que j’ai toujours admirés. Il allait là pour s’empoussiérer. Nos échoueries a eu une belle vie, bien au-delà de mes espérances avec le prix qu’il est allé rafler au salon du livre de Rimouski. Normalement, les livres d’aujourd’hui meurent vite et bien. Quelques mois et ils disparaissent. C’est le heurt auquel doit s’habituer tout écrivain.

Le Lady Era

Mais voilà, Nos échoueries refuse de s’enliser. Au baissant, pourtant, comme tous les autres, il a semblé vouloir y rester. Il aurait fait comme la carcasse rouillée du Lady Era à Port-Cartier – il aurait été une image marquante dans ma vie, un souvenir indélébile. Mais voilà que remonte la marée, qu’elle veut l’amener ailleurs…

C’est un projet que nous chérissons secrètement depuis un bout de temps déjà qui voit ses conditions de réalisations enfin rassemblées. Ce que c’est? Nous ferons quelque chose comme une adaptation scénique de Nos échoueries, dont la première ébauche devrait être rendue publique l’automne prochain.

Pour l’instant, nous ne nous attendons pas à une oeuvre finie, mais plutôt à quelque chose comme un laboratoire théâtral qui aura pour point de départ mon roman. L’idée n’est pas de faire une simple transcription pour la scène de l’histoire de Nos échoueries, mais plutôt de le faire voyager en le soumettant à différentes tensions. Entre autres: les perceptions des différents collaborateurs au projet, dont la sublime Josée Laporte, qui en signera la mise en scène (elle préfèrerait sans doute que je parle de mise en espace, j’aurai l’occasion d’expliquer pourquoi), ainsi que le GRAND Pascal Beaulieu, avec qui j’ai déjà eu la chance de travailler à quelques reprises lors de lectures publiques (j’ai d’excellents souvenirs de ces collaborations ponctuelles, il m’a même déjà fait chanter un chapitre de Nos échoueries sur un air de blues!), qui s’attardera pour sa part à l’environnement sonore de l’oeuvre. Mon travail d’écriture (et/ou de réécriture) devra tenir compte des préoccupations de chacun, des lieux qui l’accueilleront, des sons, des corps… De mes préoccupations, aussi, et sans doute du travail des comédiens qui seront invités à se joindre au projet.

Nous donnerons de la chair à Nos échoueries. Il y aura du corps dans ces mots. Y a-t-il quelque chose de plus enthousiasmant?