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L’inquisitoire


Je réponds ici à quelques questions qui m’ont été posées dans le cadre d’une recherche pour un dossier dans une revue.

J’aimerais que tu me parles de l’inspiration qui se trouve derrière ce village, Ste-Euphrasie, que tu décris dans Nos Echoueries.

Pour toutes sortes de raisons, j’ai déménagé vraiment très souvent au cours de ma vie. Ça influence évidemment la perception que j’ai du paysage et le rapport que j’entretiens avec les lieux du quotidien. Je n’ai pas beaucoup d’attaches, ni de racines très profondes…

Dans mon parcours, il y a toutefois une parenthèse calme où j’ai vécu dans un petit village de bord de fleuve, Saint-André de Kamouraska. J’y ai passé quelques années en petit gars qui prend un peu plus de liberté  et de certitude sans toutefois perdre cette propension au rêve et au jeu qui caractérise l’enfance. Avec des amis, j’ai véritablement exploré les alentours, cartographié la montagne, les champs et les marais. Saint-André est un petit village, mais c’était un grand terrain de jeu.

Quand j’ai voulu écrire Nos échoueries, je ne voulais pas parler de moi – c’est une histoire qui n’a pas grand chose de biographique – mais je voulais qu’il y ait une vérité dans l’émotion. Alors j’ai fait l’exercice d’un retour aux sources en retournant à Saint-André. Et là-bas, j’ai eu la surprise de voir que la maison de mon enfance, de laquelle je rêve encore parfois la nuit, était à vendre. Je ne l’ai pas achetée, ni même revisitée, mais l’émotion était suffisante.

De fil en aiguille, l’histoire s’est nourrie de ce que j’ai retrouvé là-bas, et de ce qui s’est perdu depuis. De quelques faits divers, aussi. Dont l’incendie du vieux foyer qui avait laisser un trou immense dans le paysage et dans la communauté.

Sainte-Euphrasie de l’échouerie n’existe pas. Mais si on pouvait en prendre une photo, le village ressemblerait assez fidèlement à Saint-André – pour ce qui est du décor, des paysages, pas de l’histoire. Mais j’en ai fait ce que je voulais… J’étais plutôt dans un rapport poétique au paysage, vous en conviendrez. Je n’ai pas grand intérêt pour un quelconque réalisme.

Est-ce que tu te considères un auteur régional, ou est-ce que tu es fatigué que les médias utilisent ces termes, région, terroir, pour définir tout ce qui se passe hors des grands centres?

Mon décor est tapissé des plus beaux paysages – montagnes, rivières, il ne manque que le fleuve. Je suis un contemplatif (c’est d’ailleurs très évident à la lecture de mon roman). J’ai besoin d’être entouré par la beauté, ce que m’offre la région. Et rien ne m’empêche de faire quelque voyage culturel à Montréal quand l’envie me prend. Ce n’est pas la porte d’à côté, mais ça fait partie de la game.

À ma connaissance, on ne m’a jamais présenté comme un auteur régional. Et je ne suis pas certain que les termes région ou terroir s’appliquent à une oeuvre parce qu’elle a été écrite en région. C’est une question, il me semble, de thématique. J’ai choisi de parler de la dévitalisation des villages de bord de fleuve, une réalité toute régionale. En ce sens, si on me disait que mon roman en est un de terroir, ce ne serait absolument pas insultant pour moi. À condition qu’on s’entende que ça n’a rien à voir avec Trente Arpents, Le Survenant, etc. Je ne glorifie pas la campagne. Je la dépeins avec ses beautés et ses travers.

Est-ce que c’était important pour toi de publier à la Peuplade plutôt que, disons, chez Boréal ou alors Québec Amérique ou toutes autres maisons d’édition montréalaises?

C’est une histoire d’amour qui me lie à La Peuplade. Je suis effectivement tombé en amour avec cette maison qui prenait le parti de la liberté et de la poésie lorsque j’ai lu Ma guerre sera avec toi, de Mylène Bouchard. J’avais fait une chronique à ce sujet à l’époque.

La poussière est retombée, puis un jour, sur mon blogue personnel, j’avais glissé un mot sur un projet d’écriture en chantier. Simon-Philippe Turcot, qui me lisait régulièrement, m’a alors envoyé un courriel pour me faire part de son intérêt à lire ce que j’avais fait. J’ai terminé mon projet pendant un voyage à Lyon. C’était Des champs de mandragores.

J’ai beaucoup apprécié mon expérience d’édition avec La Peuplade, le discours de la maison d’édition, et l’ambiance familiale qui existe entre les auteurs et les éditeurs. J’ai aimé le fait de participer à un projet naissant aussi prometteur. Ça n’enlève rien aux grandes maisons d’édition. Mais quand est venu le temps de mettre sous pli le manuscrit de Nos échoueries, je n’ai pas pensé une seconde l’envoyer à une autre maison d’édition. Pour moi, c’était un roman qui devait trouver sa place dans le catalogue de la Peuplade.

Je n’ai pas d’entente d’exclusivité – j’ai d’ailleurs publié un recueil de poésie aux éditions Trois-Pistoles en septembre dernier, Vers-hurlements et barreaux de lit, dont le discours était plus proche de la ligne éditoriale de la maison de Victor-Lévy Beaulieu. Mais mon rapport avec La Peuplade demeure particulier.

Je n’ai pas seulement été édité à La Peuplade, je fais partie de la famille.

Quelles contraintes y a-t-il à écrire en région? Et avantages?

Je ne crois pas qu’il y ait de contraintes particulières. On peut écrire de partout. Ça me coûte juste un peu plus cher d’aller à la grande bibliothèque (BAnQ) pour faire mes recherches. Mais en même temps, quand j’y vais, c’est un voyage exclusivement pour ça. Ça se transforme généralement en une fin de semaine de recherche et création. C’est bon pour l’écriture.

Ta région t’inspire-t-elle des thèmes en lien avec elle?

Jusque là, c’est plutôt le bas du fleuve qui m’a inspiré. Mais actuellement, je jongle avec un texte qui pourrait être beaucoup plus urbain. J’ai envie de crasse, de suie, de béton et de bitume, de bruit, de frénésie. Mais le décor tarde à se fixer, contrairement à l’histoire. On verra.

D’un point de vue promotionnel, est-ce que tu arrives tout de même à tirer ton épingle du jeu, avec toute la couverture médiatique dont bénéficie les auteurs montréalais?

Je pourrais difficilement me plaindre. J’ai eu une belle couverture médiatique, à la fois dans les médias nationaux (Devoir, Presse, etc.), ainsi que dans les médias régionaux (dans la région de Saguenay, mais aussi dans le bas du fleuve où les gens ont accueilli mon livre de belle manière). Tout ça grâce au travail d’une maison d’édition installée à Chicoutimi qui assure une présence partout, mais aussi grâce à Dimedia qui croit à la Peuplade.

Puis, avec les moyens de communication que nous avons à notre disponibilité, plus rien n’est impossible, aujourd’hui.


Une missive de mon député


Je viens de recevoir une missive de mon député fédéral, Monsieur Robert Bouchard. Et j’avoue en être ébahi.

J’ai reçu cette lettre comme on reçoit une publicité – ou n’importe quel feuillet de propagande politique. Je l’ai ouverte avec un brin de curiosité, sans grandes attentes, juste pour voir quels sont les arguments à la mode cette saison. Je m’attendais à des voeux de Noël, agrémentés de quelques pointes dirigées vers le parti Conservateur, et du rappel des dossiers qui ont avancé au cours de la dernière session parlementaire. La routine habituelle, quoi.

Debout au bord de la table, avec les enfants qui courent autour, je décachète donc l’enveloppe blanche – qui ne contient (malheureusement) pas une pile de billets bruns – pour avoir la surprise la plus inattendue… Il s’agit en fait d’une belle – d’une très belle – attention. Une lettre personnalisée. Frappée d’un sceau officiel. Qui va comme suit:

Monsieur Caron,

Je tiens à vous adresser mes plus sincères félicitations pour le prix littéraire Jovette-Bernier 2010 qui vous a été décerné lors du Salon du livre de Rimouski.

Vos qualités d’écrivain ont su séduire le jury lors de cet événement. Je suis fier de pouvoir compter parmi les citoyens de ma circonscription des gens de talent tel que vous.

Je désire donc vous souhaiter tout le succès mérité dans vos projets présents et futurs. Vous pouvez être fier de vos réalisations.

Je vous prie d’accepter, Monsieur Caron, l’expression de mes salutations les meilleures.

Le tout est signé (à la main s’il vous plaît):

Robert Bouchard,
Député de Chicoutimi – Le Fjord
.

Je prendrai la peine de lui répondre personnellement. Parce que je suis sincèrement touché d’une telle attention (et parce que ça ne coûte même pas un timbre d’écrire à son député!). Mais d’ici là, je voulais souligner une chose importante…

Alors que d’un côté le Parti Conservateur s’attaque aux fondements mêmes de la reconnaissance du droit des auteurs avec son projet de loi C-32 modifiant la Loi sur le droit d’auteur (lire à ce sujet la lettre d’opinion publiée aujourd’hui même dans le Devoir par Liza Frulla, ancienne ministre de la Culture du Québec et ministre du Patrimoine canadien), de l’autre côté, il y a un député du Bloc qui prend la peine de souligner le prix littéraire que j’ai eu la chance de recevoir. Sans poignée de main officielle. Sans caméra ni battage médiatique. Donc sans attendre que ce soit payant politiquement.

Je trouve cette anecdote particulièrement révélatrice de l’importance accordée à la littérature, et plus généralement à la culture, par les hommes et les femmes qui nous gouvernent. C’est pourquoi j’ai tenu à la partager publiquement.

Merci, Monsieur Bouchard. Vous êtes un gentleman.

Jean-François Caron


Se cracher dans les mains


Quand j’ai envoyé le manuscrit de Nos Échoueries à La Peuplade, mon éditeur, Simon-Philippe Turcot, a semble-t-il été troublé. «C’est le roman que je voulais écrire à propos des villages», m’a-t-il avoué plus tard. Je ne comprenais qu’à moitié, je pense. Mais aujourd’hui je sais.

Les Bouteilles, de Sophie Bouchard

Parce que le nouveau roman que je voulais écrire, c’est Sophie Bouchard qui l’a fait. C’était à propos des phares, et de cet univers qui se perd dans les brumes de la mémoire, symbole par excellence de ce que l’histoire échappe.

Je suis content de ce qui arrive à Sophie. Son roman reçoit l’attention qu’il mérite. Hier, c’était un topo télé à TV5, aujourd’hui c’est une critique pour le moins élogieuse dans le Devoir. Demain, vous l’aurez acheté. Ou emprunté. Mais surtout lu. Bravo Sophie!

Bon, à c’t’heure, on se roule les manches et on se crache dans les mains, comme disait Félix Leclerc. J’ai du brut pour matériau. Ne reste plus qu’à réécrire l’histoire. Retrouver l’essence. Car la question qui me torturait n’était pas celle du phare. Mais celle de la racine. Du greffon. De la bouture. Et surtout, du moment de la mort.

C’est un beau moment. Pas celui de la mort (quoique, je n’en sais pas grand chose), mais celui de se relancer. De reprendre au point de de départ. Là où tout est encore possible.

C’est un moment comme celui qui survient juste avant de se jeter dans le vide en rappel, du haut d’une falaise – ceux qui ont déjà fait de l’escalade me comprendront. Cette fraction de seconde qui survient entre le moment où on décide de se lancer, par derrière, dans le vide, et le moment où l’on est en position de rappel, les pieds bien en place, dans l’angle adéquat. Je pense qu’un jour, on pourrait le vivre collectivement. Ce sera entre le moment où l’on se sera dit oui, et le moment où l’on aura véritablement un pays.

Cet instant où tout sera possible.


J’ai écrit sur la carte: Blanche


Pour ceux qui n’auraient pas pu entendre ma carte blanche ce matin… Vous pouvez l’écouter en suivant le lien suivant: J’ai écrit sur la carte: Blanche.

Une belle expérience que cette carte blanche. J’aime.

Et si vous voulez suivre des yeux en écoutant, voir plus bas… Mais alors, vous saurez qu’à quelques occasions, je me suis trompé. Comme je l’expliquais en fin d’entrevue, le texte ne me coule pas encore tout à fait en bouche… Il mériterait d’être modifié encore.

J’ai d’abord écrit sur la carte : Blanche.

Je ne savais trop ce que j’avais envie de lui dire.

Ce matin, je suis allé en ville. Traversé le pont, remonté la Racine. Jusqu’à la tabagie. Et là, j’ai choisi une carte postale. Sur le comptoir, il en traînait des dizaines, toutes exposées sur un présentoir de métal.

Je l’ai fait tourner à plusieurs reprises. Il grinçait à chaque nouvelle impulsion. L’œil du caissier me visait ,chaque fois.

J’ai pris mon temps pour choisir. Pas de petit chien. Pas d’enfant dessinant en couleur dans un univers en noir et blanc. Pas de singe se grattant le popotin. Pas de cheval, ni de nature morte, ni de feuille d’érable. Il fallait quelque chose de sincère.

Puis j’ai trouvé. C’est le Lac. Pas n’importe quel. Son Lac. Quand je regarde le rectangle de paysage que je pince entre mes doigts, j’ai cette drôle d’impression. D’être au chalet. Au chalet de ma grand-mère. Au chalet de Blanche.

Alors voilà. Je suis de retour à la maison, dans mes odeurs, mes habitudes, mes préoccupations. J’ai cette carte postale sur laquelle j’ai d’abord écrit : Blanche. Puis, j’ai déposé mon stylo.

Quand on est soi-même en voyage, on a toujours trop de choses à écrire. On veut parler du soleil, des enfants qui s’amusent, du sable entre les orteils, du sel sur la peau, des sourires des Cubains, ou des Dominicains, ou des Mexicains… On veut dire aussi la chaleur et la vie, les livres qu’on lit, la couleur des fleurs, l’harmonie tranchante des feuilles de palmiers qui jouent du fleuret près de la chambre d’’hôtel… On veut tasser en quelques lignes tout ce qui ne pourra jamais entrer dans un carré blanc, un si petit carré blanc.

Quand on est soi-même en voyage, on a toujours trop de choses à écrire. Alors on n’écrit pas. Ou bien on essaie, mais on oublie trop. Les plus grandes émotions ne se contenteront jamais d’une carte blanche.

Quand on est soi-même en voyage, on a toujours trop de choses à écrire. Mais cette fois, ce n’est pas moi qui suis parti. C’est elle. C’est Blanche.

Je fais ses bagages, à rebours. Je plis, je range, j’entasse, je jette. Je plis tous ces vêtements. Range ces souvenirs, ces photos dans une boîte, ces lettres dans une autre. Entasse les objets étranges. Ceux qui ne me disent rien. Jette les vieux papiers et les breloques sans importance.

J’écrirai que je l’ai aimée toute ma vie. Que j’aurais dû aller la voir plus souvent, que je n’avais aucune excuse de ne pas l’avoir fait. Que ses conseils, ses colères, même, me manqueront. Comme quand, enfant, je jouais dans le décor de sa chambre. Faisais des plis dans la douillette. Déplaçais les bibelots devenus des fusées. Ou des tours fragiles, des tours de Pise, des tours Eiffel. Ou alors des personnages. Petits animaux et bonshommes souriants.

Puis, lorsqu’elle sera écrite, j’épinglerai la carte sur le mur du salon, près de la fenêtre. Là où je pourrai la voir souvent, dès que je jetterai un regard dans la cour, sur les jeux des enfants, sur les feuilles tombées, sur la piscine désertée, sur la neige hésitant à tomber.

J’épinglerai la carte sur le mur du salon.

Là où elle se trouve, Blanche n’a plus d’adresse.


Hommage d’un fils


C’était vraiment quelque chose d’extraordinaire de recevoir le prix Jovette-Bernier en fin de semaine. Vraiment. Je ne veux absolument pas réduire l’importance de ce que j’ai vécu, de l’accueil que j’ai eu, des rencontres que j’ai faites.

Mais il faut que j’avoue que l’émotion la plus intense, c’est ce soir que je l’ai ressentie. Dès que le plus vieux s’est couché. Quand je suis tombé sur son cahier (il a déjà un cahier qu’il noircit au gré de ses inspirations, je me demande bien de qui il tient ça!).

Ça vaut tous les prix du monde. Le Goncourt, à côté de ça, c’est rien pantoute.

Grand bonhomme. Que j’t’aime.


Kim Thuy la généreuse


Je suis comblé de ce salon. Hier, la journée n’aura pas été facile, je ne dirai pas le contraire. J’ai dû croiser pas mal de gens qui m’impressionnent – je suis encore impressionnable. Kim Thuy, Dany Laferrière, Michel Vézina, Héloïse Côté… C’est étrange – et déstabilisant.

Kim Thuy a été extraordinairement généreuse. Le concept de l’entrevue devait nous permettre de parler de nous interroger à propos de nos livres respectifs, de faire le pont entre les deux pour voir en quoi ils se rejoignaient. D’un commun accord, nous avons choisi de plutôt nous entretenir dans une formule moins figée de nos deux livres. De discuter. Or, je ne savais pas qu’elle en profiterait pour déverser autant d’amour sur Nos échoueries. «On ne se connaissait pas il y a cinq minutes. Mais j’ai passé la nuit avec lui. Je me suis endormie avec lui.» Quelle perspective réjouissante, s’il en est une! Elle parlait évidemment de mon livre. Et dès que je la chatouillais à propos de Ru, elle répondait vitement, esquivait, puis revenait à Nos échoueries.

Mon livre entre ses mains était tout corné, barbouillé. La couverture, arrondie à force d’être ouverte, tordue, entreprise… Un peu partout dans les pages, du bleu surlignait ses coups de coeur, passages qu’elle tenait à lire devant public pour faire parler mon roman. J’ai été heureux de l’entendre se mettre mes mots en bouche. C’était franchement délicieux. Ce n’est pas une comédienne, mais la passion sincère qu’elle y mettait était tout simplement bouleversante.

J’ai tout de même réussi à lui faire parler de son travail, évidemment. Mais de peine et de misère…

Mille fois revivre cet instant. Pas le stress qui l’a précédé, mais cet instant. Son sourire parfait, petit bout de femme magnifique, corps palpitant d’une énergie qui fouette au moindre regard. J’ai aimé rencontrer Kim Thuy, dans son roman, mais aussi dans la vraie vie.

Tout ça grâce au Salon du livre de Rimouki.


Prix Jovette-Bernier, les commentaires du jury


Je n’avais pas vu encore les commentaires du jury qui a choisi de me donner le prix Jovette-Bernier pour Nos échoueries. C’est mon éditeur qui le publie sur son blogue, La Peuplade.

«Obéissant à un obscur commandement intérieur qui lui dicte de retourner dans le village où il est né, Sainte-Euphrasie, situé quelque part sur la rive sud du fleuve, un jeune homme quitte tout et entame un long voyage, sans savoir s’il reviendra. En route, il fait monter une pouceuse qui, curieusement, lui demande de l’emmener là où il va. Le destin qui à la fois oppose ces deux personnages – l’étrangère errante qui s’éloigne de ses origines, l’exilé qui revient sur les lieux de son enfance – et les réunit leur réserve un sort bien différent.

Ce roman poétique et descriptif s’attache aux détails qui nomment et font voir le paysage, le fleuve comme un personnage, la forêt et l’arrière-pays des jeux d’enfant. Par les questions essentielles qu’il aborde – la solitude, la mémoire, l’exil, la désertion des régions, le vieillissement de la population –, il présente une actualité et une profondeur historique indéniables.»

J’avoue que je suis encore plus flatté. Je trouve que c’est une lecture approfondie – l’opposition marquée entre le p’tit gars du village et la Farouche, entre autres… Pertinent, et intéressant.


Mes remerciements pour le prix Jovette-Bernier


Petit discours que j’avais préparé pour la soirée d’inauguration du Salon du livre de Rimouski, en guise de «remerciement» pour le prix Jovette-Bernier qui m’a été accordé pour Nos échoueries:

Je me suis toujours senti tout petit face au fleuve. Tout au long du trajet, en m’en venant aujourd’hui, j’en étais encore bouleversé. Vous savez probablement ce que je veux dire. Pas écrasé, pas menacé, juste tout petit.Ma relation avec le fleuve, c’est une longue histoire d’amour. Je l’aime depuis toujours, si cela est possible. Et chaque fois, je retrouve les mêmes sentiments. C’est une question d’odeurs, peut-être. C’est un parfum qui sait pénétrer profondément les marais et les terres avoisinantes. Il nous rentre dans le corps, aussi.

En repartant d’ici, j’aurai le cœur tout croche. Comme chaque fois, pendant des semaines, j’aurai envie de mettre toute ma vie dans des petites boîtes, d’abandonner tout le reste pour revenir. Pour m’installer. Il y a des histoires d’amour qui ne s’achèvent jamais.

Je me trouve chanceux, parce que ma vie est pleine d’histoires d’amour.

Il y a cette femme qui endure et supporte depuis 11 ans un auteur distrait, égaré, un peu sauvage. Une femme qui est belle, qui est douce, qui n’a qu’à exister pour m’inspirer. Toutes sortes de choses.

Il y a cette maison d’édition, La Peuplade, pour laquelle j’ai eu un coup de foudre dès que j’ai ouvert pour la première fois l’un des livres de son catalogue. C’est un amour qui ne cesse de se renouveler depuis. Et qui grandit encore depuis que moi aussi, je suis chez moi, dans cette maison d’édition.

La Peuplade célèbre la littérature et l’art à chaque publication. C’est grâce à elle si je peux voir en couverture de Nos échoueries une œuvre inédite de Simon-Pier Lemelin, ami et artiste respecté originaire de Sayabec.

Qui comprend bien, lui aussi, à quel point on peut se sentir tout petit face au fleuve. Pas écrasé, pas menacé, juste tout petit.

C’est comme ça que je me sens, aujourd’hui, devant vous. Je ne sais pas comment il faut faire pour recevoir un prix. Je me sens petit. Ému. Et amoureux.

J’aimerais simplement vous dire merci.

Merci au Salon du livre de Rimouski pour cet honneur trop grand.

Merci pour votre accueil.


Les premiers instants au salon


Premier bonjour du paysage rimouskois ce matin: le fleuve en niveaux de gris. Jamais de noir, jamais de blanc. Que du gris, de tous les gris…

Il y a cette pluie fine proche de la bruine. Quelques personnes rencontrées au hasard ont émis quelques plaintes à propos de la température. Moi, je trouve ça parfait. Ça me rappelle l’ambiance de Nos échoueries. Du gris, un peu de vert (à peine). De la pluie, de la bruine, de la brume. Tout pour que le corps se sente exister. Qu’il sente que le paysage veut le toucher. Qu’il soit en contact avec le monde.

J’ai marché jusqu’à la Brûlerie d’Ici pour cette entrevue que je devais accorder à Pierre Labrie. Le trajet était un peu plus long que je le croyais d’abord (Google Maps m’a menti), mais je n’ai pas regretté, malgré le bas de mes pantalons mouillé (j’ai tendance à marcher dessus, je dois l’avouer), les chaussettes humides, la veste de laine imbibée. J’ai ce frisson presque agréable du froid humide qui se glisse entre les muscles et les os. (J’aime.)

L’entrevue a été très agréable. Nous avons parlé de Nos échoueries, aussi de mes deux recueils de poésie, de l’importance de nos racines et de notre identité… Ainsi que du prix Jovette-Bernier, évidemment.

Je ne sais toujours pas quoi répondre quand on me demande comment on se sent après avoir gagné un tel prix. Comme je le disais hier soir lors de la remise officielle, je me sens juste tout petit. Cette impression que c’est un honneur trop grand. Mais tout à la fois ce bonheur immense.

C’est une drôle de sensation. Ça ne s’apprend nulle part, recevoir une telle distinction. Pas facile de savoir comment réagir quand tous ces gens nous arrêtent pour nous féliciter et nous serrer la main. C’est agréable. Et étrange tout à la fois.

Je me sens juste comblé, je pense. Petit, mais comblé.

J’ai le coeur et l’esprit volatile… Maintenant, il faut que je me pose. Alors je travaille dans la baie window de ma chambre d’hôtel. Il faut que je termine la préparation des activités auxquelles je participe… On me tient occupé! (J’aime.)


Vers Rimouski


Ce sera sans doute le voyage le plus long de ma vie. Pas parce que je serai parti longtemps – tout au plus quelques jours – mais parce que j’ai tellement hâte d’y être que l’attente sera insupportable.

La neige a commencé à se lover dans le paysage de la réserve faunique des Laurentides, elle pixelise le décor brun de l’automne déjà avancé à cette altitude. J’essaie d’en profiter, mais je ne pense déjà plus qu’au fleuve.

En attendant: découvrir autrement cet environnement lacustre duquel je n’ai pas souvent l’occasion d’abuser quand c’est moi qui conduis.

Je voudrais qu’on s’arrête. Qu’on sorte. Que ça sente la forêt et le froid. Pour l’heure, ça ne sent que la vieille toilette chimique et le parfum bon marché des voyageurs d’à côté. Je les salue en souriant.

Je me suis fait beau avant de partir.

Me suis rasé.

Me suis lavé.

Cette impression d’avoir un corps prêt à mettre en terre, auquel il faudrait d’abord rendre hommage. Il y avait quelque chose de sacré dans ce drôle de rituel. Dans la façon de tailler les favoris de ce corps. Dans la façon de le crémer dans un geste proche de l’onction religieuse. Dans la façon de le vêtir, méticuleusement, tandis qu’il s’abandonnait avec une étrange résignation.

Ce corps livré à l’autel. Prêt au baptême et au sacrifice.

En route vers le Salon du livre de Rimouski, 2010.

Et me voilà corps en voyage, corps étranger dans ces odeurs qu’il ne reconnaît pas, dans un paysage blanc et brun, de lacs glacés à la fragilité trahie par quelques vapeurs diffuses. Et ce dangereux frisson menaçant à l’occasion de tout briser.

Corps étranger comme une pierre trop lourde sur la  mince glace des étangs de Parc.

Mais je trouve là quelque chose comme du réconfort. Comme quoi j’ai beau avoir l’eau du fleuve qui coule dans les veines, j’ai aussi l’odeur des pessières imprégnée dans la peau.