Je réponds ici à quelques questions qui m’ont été posées dans le cadre d’une recherche pour un dossier dans une revue.
J’aimerais que tu me parles de l’inspiration qui se trouve derrière ce village, Ste-Euphrasie, que tu décris dans Nos Echoueries.
Pour toutes sortes de raisons, j’ai déménagé vraiment très souvent au cours de ma vie. Ça influence évidemment la perception que j’ai du paysage et le rapport que j’entretiens avec les lieux du quotidien. Je n’ai pas beaucoup d’attaches, ni de racines très profondes…
Dans mon parcours, il y a toutefois une parenthèse calme où j’ai vécu dans un petit village de bord de fleuve, Saint-André de Kamouraska. J’y ai passé quelques années en petit gars qui prend un peu plus de liberté et de certitude sans toutefois perdre cette propension au rêve et au jeu qui caractérise l’enfance. Avec des amis, j’ai véritablement exploré les alentours, cartographié la montagne, les champs et les marais. Saint-André est un petit village, mais c’était un grand terrain de jeu.
Quand j’ai voulu écrire Nos échoueries, je ne voulais pas parler de moi – c’est une histoire qui n’a pas grand chose de biographique – mais je voulais qu’il y ait une vérité dans l’émotion. Alors j’ai fait l’exercice d’un retour aux sources en retournant à Saint-André. Et là-bas, j’ai eu la surprise de voir que la maison de mon enfance, de laquelle je rêve encore parfois la nuit, était à vendre. Je ne l’ai pas achetée, ni même revisitée, mais l’émotion était suffisante.
De fil en aiguille, l’histoire s’est nourrie de ce que j’ai retrouvé là-bas, et de ce qui s’est perdu depuis. De quelques faits divers, aussi. Dont l’incendie du vieux foyer qui avait laisser un trou immense dans le paysage et dans la communauté.
Sainte-Euphrasie de l’échouerie n’existe pas. Mais si on pouvait en prendre une photo, le village ressemblerait assez fidèlement à Saint-André – pour ce qui est du décor, des paysages, pas de l’histoire. Mais j’en ai fait ce que je voulais… J’étais plutôt dans un rapport poétique au paysage, vous en conviendrez. Je n’ai pas grand intérêt pour un quelconque réalisme.
Est-ce que tu te considères un auteur régional, ou est-ce que tu es fatigué que les médias utilisent ces termes, région, terroir, pour définir tout ce qui se passe hors des grands centres?
Mon décor est tapissé des plus beaux paysages – montagnes, rivières, il ne manque que le fleuve. Je suis un contemplatif (c’est d’ailleurs très évident à la lecture de mon roman). J’ai besoin d’être entouré par la beauté, ce que m’offre la région. Et rien ne m’empêche de faire quelque voyage culturel à Montréal quand l’envie me prend. Ce n’est pas la porte d’à côté, mais ça fait partie de la game.
À ma connaissance, on ne m’a jamais présenté comme un auteur régional. Et je ne suis pas certain que les termes région ou terroir s’appliquent à une oeuvre parce qu’elle a été écrite en région. C’est une question, il me semble, de thématique. J’ai choisi de parler de la dévitalisation des villages de bord de fleuve, une réalité toute régionale. En ce sens, si on me disait que mon roman en est un de terroir, ce ne serait absolument pas insultant pour moi. À condition qu’on s’entende que ça n’a rien à voir avec Trente Arpents, Le Survenant, etc. Je ne glorifie pas la campagne. Je la dépeins avec ses beautés et ses travers.
Est-ce que c’était important pour toi de publier à la Peuplade plutôt que, disons, chez Boréal ou alors Québec Amérique ou toutes autres maisons d’édition montréalaises?
C’est une histoire d’amour qui me lie à La Peuplade. Je suis effectivement tombé en amour avec cette maison qui prenait le parti de la liberté et de la poésie lorsque j’ai lu Ma guerre sera avec toi, de Mylène Bouchard. J’avais fait une chronique à ce sujet à l’époque.
La poussière est retombée, puis un jour, sur mon blogue personnel, j’avais glissé un mot sur un projet d’écriture en chantier. Simon-Philippe Turcot, qui me lisait régulièrement, m’a alors envoyé un courriel pour me faire part de son intérêt à lire ce que j’avais fait. J’ai terminé mon projet pendant un voyage à Lyon. C’était Des champs de mandragores.
J’ai beaucoup apprécié mon expérience d’édition avec La Peuplade, le discours de la maison d’édition, et l’ambiance familiale qui existe entre les auteurs et les éditeurs. J’ai aimé le fait de participer à un projet naissant aussi prometteur. Ça n’enlève rien aux grandes maisons d’édition. Mais quand est venu le temps de mettre sous pli le manuscrit de Nos échoueries, je n’ai pas pensé une seconde l’envoyer à une autre maison d’édition. Pour moi, c’était un roman qui devait trouver sa place dans le catalogue de la Peuplade.
Je n’ai pas d’entente d’exclusivité – j’ai d’ailleurs publié un recueil de poésie aux éditions Trois-Pistoles en septembre dernier, Vers-hurlements et barreaux de lit, dont le discours était plus proche de la ligne éditoriale de la maison de Victor-Lévy Beaulieu. Mais mon rapport avec La Peuplade demeure particulier.
Je n’ai pas seulement été édité à La Peuplade, je fais partie de la famille.
Quelles contraintes y a-t-il à écrire en région? Et avantages?
Je ne crois pas qu’il y ait de contraintes particulières. On peut écrire de partout. Ça me coûte juste un peu plus cher d’aller à la grande bibliothèque (BAnQ) pour faire mes recherches. Mais en même temps, quand j’y vais, c’est un voyage exclusivement pour ça. Ça se transforme généralement en une fin de semaine de recherche et création. C’est bon pour l’écriture.
Ta région t’inspire-t-elle des thèmes en lien avec elle?
Jusque là, c’est plutôt le bas du fleuve qui m’a inspiré. Mais actuellement, je jongle avec un texte qui pourrait être beaucoup plus urbain. J’ai envie de crasse, de suie, de béton et de bitume, de bruit, de frénésie. Mais le décor tarde à se fixer, contrairement à l’histoire. On verra.
D’un point de vue promotionnel, est-ce que tu arrives tout de même à tirer ton épingle du jeu, avec toute la couverture médiatique dont bénéficie les auteurs montréalais?
Je pourrais difficilement me plaindre. J’ai eu une belle couverture médiatique, à la fois dans les médias nationaux (Devoir, Presse, etc.), ainsi que dans les médias régionaux (dans la région de Saguenay, mais aussi dans le bas du fleuve où les gens ont accueilli mon livre de belle manière). Tout ça grâce au travail d’une maison d’édition installée à Chicoutimi qui assure une présence partout, mais aussi grâce à Dimedia qui croit à la Peuplade.
Puis, avec les moyens de communication que nous avons à notre disponibilité, plus rien n’est impossible, aujourd’hui.