C’est l’histoire de l’enfant qui devait tout dire.
– Vous êtes en train de lire tous les deux.
Ce n’est pas vraiment une question. En fait, le ton du fils est à mi chemin entre l’interrogation et le constat. On sent surtout qu’il est ébahi devant cette chose qu’on appelle le silence – cette réalité qu’il ne maîtrise absolument pas et qu’il passe beaucoup de temps à essayer de comprendre (et qu’il cherche depuis toujours à dire, pourrait-on croire).
Sourd alors le choeur calme des parents qui, effectivement, lisent:
– Bin oui, on lit.
Ils sont côte à côte, bien, mais surtout amusés par la réaction de l’enfant qui n’en reste pas là:
– C’est genre relax.
Un temps passe, juste assez pour qu’on se penche à nouveau, chacun sur son livre.
Le fils se tourne alors vers son grand frère qui piétine une gigue improvisée en se brossant les dents, à trois enjambées de là, puis continue:
– C’est pas rock. Pas comme lui. Lui il fait du rodéo.
[Mettre des mots sur tout… Si tu savais combien d’années j’ai passées – et perdues – à essayer de le faire, mon homme.]
[Toi avec ta bouche.]
[Moi avec mes doigts.]
[Si tu savais tout le silence que j’ai tué avant de pouvoir m’entendre avec moi-même.]
[Je me bats encore, souvent. Fais que la vie fasse du bruit. Qu’elle soit rock. Se fasse rodéo.]
[Je, l’enfant, qui devais tout écrire.]
27 avril 2014 at 23 h 59 min
J’aime. Je peux?